Habituellement, j’évite de réagir à chaud sur des nouvelles. Mais en ce qui concerne l’adaptation en série du jeu de plateau Terraforming Mars je ne pouvais que donner mon avis même (et surtout !) si on ne me le demandais pas.
Il apparaît donc qu’une jeune société de production audiovisuelle, Cobalt Knight, a optionné les droits de Terraforming Mars pour un montant de 1.5 millions USD.
Apprenant cela, j’ai deux réactions.
La première est qu’il s’agit d’une adaptation de jeu en œuvre filmée et que les quelques précédents qu’il m’a été donné de voir ne brillent pas par leur qualité. Donjons & Dragons le film (avec Profion, le méchant de pacotille joué par Jeremy Irons), Street Fighter avec Raul Julia dont c’était le dernier rôle et qui avait accepté le choix de ses petits-enfants de jouer Bison, j’en passe et des meilleurs jusqu’à Mortal Kombat dont le script ne peut même pas servir de papier toilette et qui ne vaut que par l’excellente prestation de Christophe Lambert. Non, je blague. Rien n’est à sauver de cette péloche maudite et rien n’est à sauver de la carrière de Christophe Lambert.
La seconde réaction fut de me dire que pour 1.5 millions de dollars US, les petits malins de Cobalt Knight avaient fait le jackpot. Explication du Professeur.
Admettons que tu veuilles écrire un script pour une série ou un film qui raconte la terraformation de la planète rouge avec ses à-côtés façon sitcom de l’espace sur plusieurs générations. Voilà qui est bel et bon mais te voici rendu en préproduction lorsque ton baveux vient te mettre le nez dans ton caca en te disant que Kim Stanley Robinson (KSR) ou plutôt son éditeur te colle au derche une procédure civile pour violation de sa propriété intellectuelle. En effet, KSR a écrit un monument de la SF contemporaine, une trilogie (Mars la Rouge, Mars la Verte et Mars la Bleue) qui narre par le menu l’histoire, la grande et la petite, de la colonisation de Mars par l’Humanité (l’espèce, pas le journal), le récit s’étendant sur plusieurs siècles.
Dans ces conditions, si tu veux respecter la propriété intellectuelle de l’œuvre et de ses ayant-droits, il te faut débourser ce que l’éditeur de KSR exigera soit quelques centaines de millions de dollars US ou, plus exactement, la valeur en actif de bilan d’une œuvre qui se vend plus que très bien depuis plus de 25 ans (je vous le dis, c’est un classique !)
Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que la filiation entre le jeu et les romans est plus qu’évidente ! Par exemple, les mises en situation fournies dans le livret de règles mettent en scène trois joueurs nommés Kim, Stanley et Robinson. J’ajouterais que l’auteur du jeu est un docteur en chimie qui m’a l’air bien nerd et qu’on doit avoir les mêmes marottes. Et je finirais par le fait que KSR est cité dans les remerciements.
Donc, c’est l’impasse. Mais je veux quand même faire une série sur la terraformation de Mars basée sur l’œuvre romanesque d’un auteur de SF mondialement reconnu mais comme je suis super malin et que j’ai pas trop de sous, je prends une option sur un jeu largement inspiré de ladite œuvre plutôt que sur le roman en lui-même économisant par là quelques centaines de millions de dollars. En toute légalité ajouterais-je.
Mais ce n’est pas tout et là, j’extrapole encore plus. Accrochez-vous.
J’ai lu les Mars de KSR. Trois fois. Oui, je suis un nerd. Ca pourrait s’adapter en série mais du fait de la complexité des intrigues, de l’omniprésence de scènes de sexe et de violence, ce serait encore pire que le Trône de Fer. A un point tel que le fait de prendre une option d’adaptation sur le jeu dédouanera Cobalt Knight de tout « procès » pour non respect de l’œuvre originale vu que le jeu peut être considéré comme tout public (ce qu’il est vraiment).
En effet, si on s’en tient au jeu proprement dit, on aura certainement à voir le spectacle de cadres exécutifs bien propres sur eux, employés modèles de corpos à la comm’ bien lisse (et à l’arrière-boutique bien glauque) qui se tirent la bourre dans des intrigues politico-financières façon House of Cards. On monte ça en straight cut bien rythmé avec les scènes des aventures quotidiennes des familles de prolos œuvrant pour les corpos et se démenant pour survivre sur une planète hospitalière.
Ceci peut donner soit un pensum idéologique façon Netflix à destination des bobos qui se rêvent chef de projet de terraformation ou chargée de comm’ d’une corpo soit un chef d’œuvre façon Zola qui décrira la lutte des classes du futur comme The Expanse a tenté de le faire avec plus ou moins de bonheur. A moins que les scénaristes ne prennent la voie médiane façon eau tiède en produisant le remake de n’importe quel film des frères Dardenne mais sur Mars.
A suivre.
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